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Le maquillage, au-delà de son apparente fonction esthétique, est une pratique profondément culturelle. Dans de nombreuses sociétés traditionnelles, il porte des significations rituelles, identitaires, voire spirituelles. Pourtant, avec l’avènement de la mondialisation et la domination des standards de beauté occidentaux, le maquillage moderne tend à s’imposer comme une norme universelle.

Ce glissement progressif du traditionnel vers le moderne soulève une question cruciale : assiste-t-on à une forme d’acculturation par les pratiques esthétiques ? A Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu,  des hommes et femmes en trouvent un outil de beauté et d’élégance lors des cérémonies festives. Certains se maquillent pour l’attirance, et d’autres s’en servent pour incarner une réalité sur scène lors des spectacles, tournages des cinémas et des démonstrations nécessitant une illustration.

Le maquillage traditionnel : identité, mémoire et rituel

Dans les sociétés autochtones et traditionnelles, le maquillage n’est jamais neutre. Il marque des appartenances : à une ethnie, à un statut social, à une étape de vie. Chez les Barega par exemple, le maquillage en forme des tatouages, raconte une histoire, affirme une mémoire collective.

 « C’était une autre manière de représenter des évènements heureux ou malheureux  tels que la naissance, mort et tant d’autres », explique Salomé Mapendo, une femme de la tribu lega.

Les tatouages, explique-t-elle, étaient un signe de beauté pour la jeune fille Lega. Ces  tatouages de beauté représentaient l’image des crapauds, la tortue, et d’autres animaux, dépendamment du choix de chacun.

« La disparition de ces pratiques culturelles est expliquée actuellement par l’imputation à la sorcellerie de celles tatouées », regrette-t-elle.

Par ailleurs, le vulgarisateur culturel, Shakulwe Konda, soutient que le symbole de tatouage dépendait des tributs. Pour lui, l’abandon de cette pratique est dû aux avantages sociaux du monde actuel imposé par l’occident.

La montée du maquillage moderne : norme et marketing globalisés

Aujourd’hui, l’industrie cosmétique portée par les grandes marques internationales propose un modèle esthétique souvent calqué sur les canons occidentaux : teint unifié, peau claire, contours affinés, lèvres redessinées. Les réseaux sociaux, relaient massivement ces images, façonnant les désirs et les pratiques de beauté, y compris dans les zones rurales ou semi-urbaines de la province du Sud-Kivu.

La professionnelle de maquillage moderne, Akilimali Neema dit Nelly Make Up,  utilise des lentilles, un type de maquillage pratiqué pour changer la couleur de la pupille. Elle rassure que son travail n’a aucun impact négatif sur la santé humaine.

« Mon maquillage n’a jamais causé de l’allergie à une cliente car mes produits sont originaux. La formation sur le maquillage m’a aidé dans le choix des produits adaptés à différents types des peaux ». explique Nelly Mak up

En réaction, le Docteur Jean pierre SAIDI déconseille l’application des toutes substances chimiques non adaptées à la peau humaine car selon lui, certains endommagent le corps.

« La peau humaine n’a pas besoin des substances chimiques pour qu’elle soit belle. Le maquillage superficiel appelé encore semi permanent appliqué au niveau du derme entraine des conséquences qui peuvent se manifester avec le temps. Par exemple, les maquillages des yeux qui créent des disfonctionnement physiologiques que plusieurs ignorent » martèle-t-il.

Une acculturation silencieuse mais profonde

Cette nouvelle norme pousse à la marginalisation, voire à l’abandon, des formes traditionnelles de maquillage. Ce phénomène ne relève pas seulement d’un choix individuel ; il s’inscrit dans un rapport de force culturel où la modernité est présentée comme supérieure, désirable, « propre », tandis que le maquillage traditionnel est relégué au rang de folklore.

« Ce passage est souvent douloureux, fragilise les transmissions orales et invisibilise des savoirs féminins ou masculins ancestraux. Dans certains cas, il renforce même des complexes identitaires, lorsque les individus n’ont plus accès aux modèles valorisant leur propre esthétique », regrette Shakulwe Konda.

Le passage du maquillage traditionnel au maquillage moderne est bien plus qu’un simple changement de style : il reflète une recomposition culturelle. Si ce passage n’est pas accompagné d’un travail de préservation et de valorisation, il risque de déboucher sur une acculturation profonde. Il faut donc réaffirmer la légitimité des esthétiques locales, non comme reliques du passé, mais comme expressions vivantes de la diversité humaine.

Gisèle BASHWIRA

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