La scène culturelle de Bukavu connaît une vitalité certaine. Festivals, pièces de théâtre, performances artistiques et danses traditionnelles y sont régulièrement organisés. Cependant, nombre de ces initiatives souffrent d’un encadrement artistique insuffisant, en particulier en ce qui concerne la mise en scène, un élément clé pour structurer et valoriser toute représentation.
Faute de formation adéquate ou de professionnels spécialisés, de nombreux artistes conçoivent leurs spectacles sans véritable direction scénique. Les rôles sont parfois improvisés, la disposition spatiale négligée, et les enchaînements mal travaillés. Cela affecte la cohérence des œuvres et l’expérience du spectateur.
« Il nous manque des formations spécifiques à la mise en scène. Nous faisons ce que nous pouvons avec les moyens du bord », explique un comédien dans une troupe locale.
Le scénariste réalisateur, Luciano RUSHUNDA, révèle que cela n’explique pas le manque de vision de l’artiste, mais plutôt des raisons objectives. Le septième art avec ses taches multiples oblige le porteur de projet à avoir un metteur en scène. Le cumul des taches parfois jette une disgrâce sur la qualité de l’œuvre mise sur le marché. Il estime qu’un distinguo doit être établi entre un projet du cinéma financé et un projet résultat de l’effort personnel.
« En toute évidence, une œuvre qui a la coordination du processus de mise en scène et du jeu d’acteur se distingue à celle qui a connu ce déficit. Généralement, un projet du cinéma ou spectacle financé a plus de chance d’avoir un metteur en scène que celui réalisé sans financement, obligeant de recourir aux compétences des collègues », dit-il.
De son coté, Achille ARGUS, regrette que des artistes négligent le rôle d’un metteur en scène dans l’organisation des spectacles. Au regard de son rôle, le metteur en scène, est pour lui, un personnage impératif.
« La mise en scène est une longue étude. A Bukavu, je pense que la tenue des formations et ateliers est nécessaire. Selon mon constat, les règles ne sont pas totalement respectées pour la plupart des spectacles. Et pour cause, le temps de répétition est petit, le manque de soutien de la création, la production et la diffusion. Avoir une idée de mise en scène est une chose, diriger l’équipe constitue une autre paire de manche », soutient-il.
Des initiatives encore rares
Quelques initiatives tentent de combler ce vide. Des ateliers ponctuels sont organisés par des centres culturels ou des partenaires nationaux et internationaux. Cependant, ces efforts restent marginaux face à l’ampleur des besoins. La plupart des artistes dépendent encore de leur autodidaxie ou de l’apprentissage sur le tas.
Le responsable des programmes au centre culturel ECKA, Yves MUZALIYA, note que le changement est perceptible au niveau du secteur culturel dans la pratique de la mise en scène et le jeu d’acteur.
« Dans la ville de Bukavu la dynamique a changé, des structures implantées suscitent déjà une envie à tous les metteurs en scène. Avec différentes formations organisées, nous accueillons chaque jour des artistes désireux de se lancer dans cette carrière. Outre cela, l’apport des opérateurs culturels est non négligeable pour l’encadrement des artistes et la création d’un spectacle respectant la mise en scène », affirme-t-il.
Pour Yves MUZALIYA, l’espoir renait avec certaines organisations, à l’instar de Uwezo Afrika Initiative au travers la coopération Suisse, Enabel qui soutiennent les initiatives qui promeuvent la mise en scène des spectacles vivants. Il estime qu’avec cette dynamique d’autres disciplines connaitront des progrès.
Pour renforcer l’impact des spectacles vivants, plusieurs voix s’élèvent en faveur de la création de formations dédiées à la mise en scène, ainsi que d’un soutien accru aux compagnies locales. Un encadrement professionnel permettrait non seulement d’élever le niveau des productions, mais aussi de mieux positionner Bukavu sur la carte culturelle régionale.
Christian BUZANGU