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Des concerts d’interprétation dits Karaokés prennent une place importante dans l’industrie musicale à Bukavu. Ce style de production musicale favorise l’encrage des musiques d’ailleurs au détriment de celles des artistes locaux.   Selon plusieurs sources cette situation impact négativement sur l’évolution de l’industrie musicale de Bukavu en province du Sud-Kivu à l’Est de la République Démocratique du Congo.

Le constat est tel que dans les salles de spectacles, les restaurants et boites de nuit, les prestations ne reflètent pas l’identité culturelle de la province du Sud-Kivu. Roland Mitrailleuse, artiste interprète et compositeur du style rumba affirme que ces genres d’interprétations de la musique étrangère freinent la créativité chez certains artistes locaux et ont une répercussion sur l’évolution de l’art local.  Il pense que les interprétations Karaokés sont le reflet d’un manque de confiance en soi dans le chef de certains artistes.  

« Le karaoké ne laisse pas aux artistes le temps de se concentrer sur leurs propres compositions. Le complexe de langues et qualités de certains morceaux souvent dû au manque des moyens bloque l’acceptation des chansons locales par le grand public », confirme cet artiste.

Le président de l’union de la musique du Congo axe Sud Kivu, KALO MULOZI partage cet avis. Ces pratiques, selon lui, détruisent l’émergence de la musique à Bukavu car, soutient-il, ceux qui le pratique se contentent des concerts acoustiques qu’ils confondent au karaoké.

« Depuis que je suis au Sud Kivu, je n’ai jamais assisté à une production karaoké. Seulement des concerts acoustiques qui créent des confusions dans le chef des artistes qui devraient respecter les normes exigées avant de qualifier abusivement toute sorte de production à un karaoké. Ce genre de musique d’origine japonaise consiste au jeu des instruments des musiques populaires mixées aux sons des participants », précise Kalo Mulozi.

Néanmoins, la reine Saidath Carmela, artiste interprète, compositrice et fondatrice de l’orchestre Galaxy Musique, note que les concerts d’interprétations contribuent à l’amélioration des talents des artistes. C’est pour elle un moyen d’expression et intégration des artistes, tout en divertissant son entourage.

« Le concert karaoké aide la musique locale à progresser car il promeut les talents et contribue à la visibilité des artistes. C’est également un métier comme tant d’autres car non seulement, il divertit, mais aussi assure la survie de ses pratiquants tout en contribuant à l’évolution de l’économie locale », dit-elle.

De son côté, le responsable de l’orchestre Atomique Ebende, Issa le Rossignole, pense que les responsabilités sont partagés. Il croit que les disques jockeys venus de l’étranger ne promeuvent que les musiques étrangères aux détriments des celles locales. Il cite aussi l’exigence de l’interprétation Karaoké pour raisons de marketing de vente des boissons et autres produits.

« A notre époque des concerts d’interprétation se tenaient dans des salles qui, actuellement sont transformées en églises, habitations et maisons de commerce. Une des raisons de frein au développement de la musique locale. Etant donné que des concerts sont beaucoup plus utilisés pour des faits marketing certains artistes se méfient des compositions et se concentrent aux interprétations pour assurer leur survie. Malgré cette situation, des artistes qualifiés composent et ne quittent jamais la scène sans toucher à leurs propres œuvres pour une promotion », regrette-t-il.

Des musiques au contenu médiocre

Des opérateurs culturels lient cette situation au manque de sériosité dans la sphère musicale de Bukavu. Thomas Lusango, operateur culturel et responsable du centre culturel Delia Ndaro, veut voir des productions adaptées au choix du public cible afin de s’imposer dans l’industrie musicale de Bukavu.

« Les concerts d’interprétations appelés abusivement karaokés chez nous ont piétiné l’originalité de la musique du Kivu. Dans le temps, des icônes comme Aganze premier, Kazembe Vianey, William Yayote et autres ont tracé des lignes de valorisation des différents styles de musiques locales. Certains actuellement prennent ces genres des concerts comme un gagne-pain, ce qui bloque le courage de composition pour certains. L’artiste doit prendre conscience de son travail et savoir qu’il doit vivre de ses œuvres pour immortaliser son  travail et avoir des choses à léguer à la génération future », suggère Thomas Lusango.

Par ailleurs, le chef de la division de la culture et art, M. Kikuni Bizos  explique que le non-respect des normes éducatives dans les productions musicales serait à la base de la non-acceptation des chansons locales. Les auteurs devraient, selon lui, avant tout passer à l’audition de leurs morceaux au niveau de la division provinciale de la culture et art pour des corrections afin de bénéficier du soutien dans le partage de leurs productions.

« C’est inacceptable qu’un artiste vende des œuvres des autres lors des concerts au lieu de faire la propagande de ses œuvres. Certains artistes non connus par l’Etat se freinent eux-mêmes en montant le motif de manque de moyens pour profiter d’une bonne production technique et morale. Nous devons nous mobiliser tous comme un seul homme pour que le secteur culturel soit viable au sein des communautés étant donné que ce dernier contribue à l’éducation culturelle des générations futures», di-il.

Le responsable de la culture, arts et Patrimoines appelle les artistes à s’enregistrer auprès de sa division pour bénéficier de la protection de leurs œuvres et bénéficier de tout avantage qui en découle.

Gisèle BASHWIRA.


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