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Alors que certaines pratiques alimentaires traditionnelles perdurent dans les communautés du Bushi, d’autres sont de plus en plus remises en question. Les jeunes et les défenseurs des droits humains y voient une discrimination. Les conservateurs culturels  appellent au changement et au respect des valeurs culturelles au Sud-Kivu.

Dans le Sud-Kivu, au cœur des chefferies de Ngweshe et de Kabare, des tabous alimentaires anciens continuent de régir les comportements, particulièrement ceux des femmes. Transmis de génération en génération, ces interdits s’appuient sur des croyances ancestrales visant à préserver l’harmonie sociale, la santé ou encore la fertilité. Toutefois, à l’ère de la modernité, ces pratiques font l’objet de critiques croissantes.

Des aliments “interdits” pour les femmes

Dans la culture du Bushi, certaines nourritures restent proscrites, surtout pour les femmes enceintes ou jeunes filles. Des aliments riches en protéines comme les œufs, la chaire de la poule, le lait caillé,… étaient interdits par respect à la coutume, rapporte M. BIRHAHWA MUHINDO Pascal.

« Ces aliments étant spéciaux, une femme qui pouvait transgresser les interdits, devait subir des conséquences et être traitée de « Cishambo  ou voleuse », témoigne-t-il.

Un héritage contesté par les jeunes générations

Pour nombreux jeunes, ces interdits ne reposent sur aucun fondement scientifique. Dans les milieux urbains de Bukavu, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme des pratiques discriminatoires.

 « Le droit prend le dessus aujourd’hui, certaines choses sont peut-être interdites par la culture, mais assurées par le droit. Ainsi, les droits humains l’emportent à la culture » renchérit M. Guy MURHEBWA, jeune de la place. Il soutient que la culture est dynamique et avec le modernisme et le numérique, des changements doivent suivre.

Entre foi traditionnelle et nouvelles influences

Pour les anciens, ces tabous ont une fonction régulatrice et identitaire. « Ce ne sont pas de simples superstitions », affirme le vulgarisateur culturel SHAKULWE KONDA. Pour lui, la culture étant un mode de vie d’un peuple nécessite une observance particulière. 

Ce vulgarisateur culturel soutient que la culture est la plus grande valeur pour une société ou une communauté. C’est ainsi qu’elle est composée des normes et des règles, outrepasser les limites prévues constitue un interdit. Il regrette de voir que la culture se dégrade et les éléments y afférant ne sont plus respectés.

Par contre, il montre que l’interdiction à la femme de manger la chair de la poule, était une invention des colons. « Dans le temps la poule était un aliment réservé aux bergers et la femme s’était interdit d’en manger pour le mauvais caractère de la poule », révèle-t-il.

Cependant, l’influence croissante de la religion, de l’éducation et des campagnes de sensibilisation bouleverse les rapports aux normes traditionnelles. Les églises, par exemple, encouragent souvent leurs fidèles à rejeter les pratiques jugées païennes, créant un double clivage : entre générations et entre croyances.

Vers un dialogue interculturel ?

Plusieurs organisations locales plaident pour une approche inclusive, qui respecte la culture tout en promouvant les droits fondamentaux. Il ne s’agit pas de rejeter la tradition, mais de la réinterroger à la lumière des enjeux actuels. Le conservateur culturel, MUDAGI BALOLEBWAMI ZOLA encourage la création des Barza culturels pour un apprentissage des valeurs culturelles. Il propose également la tenue des ateliers intergénérationnels afin de créer un espace de dialogue entre jeunes, anciens, chefs coutumiers pour briser les tabous, déconstruire les idées fausses, et construire un consensus social autour des enjeux alimentaires et de genre.

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