Dans la province du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), près de 60 % des femmes utiliseraient des morceaux de pagne comme protection hygiénique. Une pratique qui n’est pas sans risques pour la santé. Quant aux serviettes jetables, des études ont démontré leur potentielle dangerosité. Pour pallier le problème, l’association Uwezo Afrika Initiative produit depuis 2018 des serviettes lavables, faites de tissu en coton.
Selon une étude menée en 2018 par l’Unicef, « une fille sur deux (…) utilise habituellement une pièce déchirée d’un vêtement »1 en guise de protection hygiénique, dans les provinces de Kinshasa, du Haut-Katanga et du Nord-Kivu, en RDC.
Une pratique que l’on retrouverait aussi dans la province du Sud-Kivu. « Il est difficile pour certaines personnes de se trouver chaque mois des serviettes jetables, qui valent un à deux dollars américains », explique Douce Namwezi, fondatrice d’Uwezo Afrika Initiative, une organisation basée à Bukavu et intervenant dans le domaine de la santé sexuelle (lire encadré).
Risques d’infection
Mais pour le docteur Patrick Murhula, gynécologue-obstétricien à Bukavu, utiliser des morceaux de pagne peut avoir des conséquences néfastes sur la santé des femmes : « Le grand problème, c’est surtout la perturbation de la flore vaginale quand on utilise ce genre de serviettes, de tissus. Ils deviennent vraiment irritables au niveau du vagin. Et cette perturbation de la flore vaginale peut entraîner beaucoup d’infections vaginales et urinaires. Cela peut aller jusqu’à des infections génitales hautes, des problèmes de stérilité, voire des cancers ».
Avoir recours à des serviettes hygiéniques jetables n’est pas non plus sans danger pour la santé et sans conséquences pour l’environnement. « Après avoir suivi un documentaire sur l’impact des protections hygiéniques sur la santé des femmes et des filles, nous avons été interpellées, se souvient Mme Namwezi. Nous ne savions pas que les serviettes jetables contenaient des produits chimiques qui peuvent avoir des conséquences négatives sur la santé sexuelle et reproductive de la femme ». En effet, selon des études, certaines protections contiendraient des résidus toxiques (traces de dioxine, furane, etc.) 2.
Et d’ajouter : « La gestion des déchets dans notre ville est médiocre. Plusieurs serviettes déjà utilisées se retrouvent dans la rue lors du ramassage des déchets. D’autres sont jetées dans le lac », regrette-t-elle.
Ce sont toutes ces raisons économiques, sanitaires, mais aussi environnementales qui ont poussé l’association Uwezo Afrika Initiative à fabriquer des serviettes hygiéniques lavables et donc réutilisables (lire encadré).
Patrick Kahondwa
MAISHA PAD : « CE N’EST PAS SORCIER A UTILISER »
« Les tissus sont cent pour cent en coton pour éviter les allergies, explique Douce Namewezi, la directrice d’Uwezo Afrika Initiative. Nous mettons une étoffe légère en coton sur la partie sensible, qui est directement en contact avec le corps. Au milieu, nous avons des absorbants. Et en dessous, nous mettons des flanelles imperméables pour empêcher le passage du sang ».
Et les serviettes lavables, appelées couramment « Maisha Pad », sont simples à utiliser. « Il suffit juste de porter une culotte ou un caleçon et de placer la serviette au milieu. Il y a deux petits boutons qu’il faut tourner pour l’agrafer et éviter qu’elle ne bouge. Cela va permettre de faire tout mouvement. Dès que la serviette est pleine, il faut ouvrir les deux petits boutons, la laver à l’eau et au savon et la sécher à l’air libre, dans un endroit frais. Une fois sèche, elle doit être repassée avant d’être utilisée de nouveau ». Un paquet contient quatre serviettes hygiéniques et coûte cinq dollars américains. « Avec une petite somme, les femmes peuvent s’acheter des linges réutilisables qui vont servir pendant un à deux ans », conclut-elle.
UNE ALTERNATIVE QUI SEDUIT DE PLUS EN PLUS DE CONGOLAISES
« Je ne dépense plus comme avant »
Linda Mugoli, 25 ans, utilise des serviettes lavables depuis déjà un an. Elle n’y trouve que des avantages : « Avant, j’utilisais au moins cinq paquets par mois quand j’avais mes règles et cela me coûtait dix mille francs chaque mois. Il m’arrivait parfois de ne pas avoir d’argent et mes serviettes s’épuisaient. J’avais vraiment des difficultés à m’en procurer. Depuis que j’ai commencé à utiliser les serviettes réutilisables, je ne dépense plus comme avant. En plus, je n’ai plus d’infections et de maladies ».
« C’est très hygiénique »
« Avant, j’avais des problèmes de frottement, de transpiration et, par moments, des blessures aux cuisses. Et chaque mois, je dépensais au moins trois dollars pour mes serviettes et celles de ma fille. Depuis huit mois déjà, j’utilise ces serviettes lavables. C’est très hygiénique », précise Gisèle Nabintu.
A QUAND DES SERVIETTES GRATUITES ?