« Un peuple sans histoire c’est un peuple voué à la destruction », « un peuple qui ne connait pas son histoire, est condamné à la revivre », tels sont les dictons qui tournaient en boucle dans un spectacle culturel tenu dans la ville de Bukavu ce samedi 1er juillet 2023.

Il s’agit de la célèbre cérémonie dénommée « requiem pour la paix », une initiative de l’organisation Uwezo Afrika avec l’accompagnement de plusieurs structures de défense des droits de l’homme en République démocratique du Congo.

Pour l’édition 2023, requiem pour la paix et le groupe culturel Alfa Art, ont choisi de commémorer le Requiem pour la paix sous le thème : « Patrie Yote », un mélange du français et de kiswahili traduit en français « toute la patrie ».

La représentation de la patrie s’est réunie au stadium de Vamaro sous la couleur noire et la marque de tristesse et de chagrin aux fronts dans l’unique but de se rappeler des millions des congolais disparus à l’époque coloniale pendant les évènements qui ont conduit à l’indépendance et dans différentes guerres à travers le pays depuis.

« Nous sommes ici encore dans l’optique de nous rappeler les atrocités qui se sont passées dans notre pays, avoir un moment de nous rappeler ce qui s’est passé, pas pour se vanger mais plutôt pour prendre des mesures pour ne pas oublier. Nous ne voulons pas nous déconnecter de notre propre identité, notre histoire en tant que congolais », a dit Douce Namwezi, coordinatrice de Uwezo.

Au cours de cette activité, des témoignages touchant se sont succédés revenant toujours sur des évènements historiques macabres vécus en RDC et qui ont laissé derrière des morts, viols et pillages systématiques.

Devoir de mémoire, devoir d’histoire.

« Notre pays a déjà connu des guerres et chaque guerre avait sa spécificité. 1964, la rébellion muleliste apparaît, les villes d’Uvira et Bukavu étaient attaquées. En 1967, nous avons vécu à Bukavu une guerre des mercenaires et des gens ont perdu la vie. Les guerres se sont succédées et les atrocités se sont poursuivies. De 1994 à 1998, on avait pas respiré, nous avions perdu des frères et soeurs et même des proches. Un autre résultat inoubliable, c’est la destruction totale de notre société et l’imposition de nos jeunes à devenir acteurs des guerres. Nous avions vu des femmes emportées par des militaires et les imposer de devenir leurs épouses. Il est temps que la jeunesse prennent les choses en main pour découvrir la vérité face à la falsification de l’histoire, fasse au mensonge », témoigne Stella Yanda.

Touché par le message du requiem et se rappelant des évènements qu’elle a vécus à l’époque, Maman Bachu, d’une soixantaine d’âge, se lève de son coin et monte à l’estrade à pas pesant.

« La couleur rouge dans le drapeau de notre pays symbolise bel et bien le sang des martyrs des guerres à travers le pays. Voilà pourquoi nous devons pleurer nos êtres chers. Le petit pays qui nous agresse avait perdu combien et nous combien des millions des morts avions perdu et continuons à perdre aujourd’hui ? On nous a fait avaler des mensonges pour falcifier l’histoire. Il est temps qu’on sache la vraie histoire de notre pays et de la région afin que nous puissions bien pleurer nos morts. Chers jeunes continuer à chercher la vérité car elle triomphe toujours », confie-t-elle avec amertume.

Avec son expérience de plus de 20 ans aux côtés des démunis dans la défense des droits humains, Raphaël Wakenge Ngibi n’espère qu’à la justice transitionnelle pour remettre les congolais dans leurs droits et réparer l’erreur du passé.

« Face à un contexte d’après-guerre, il y’a une vérité qui doit être mise à la disposition du public. Vous le savez, lorsqu’il y’a guerre, il y’a des gens qui sont derrière et ceux qui subissent les affres des guerres. Il est important que les jeunes sachent qu’il y’a une justice qui doit être impliquée. Il y’a des pays qui étaient victimes et qui ont fait recours à la justice transitionnelle et ils ont trouvé gain de cause », Raphaël Wakenge Ngibi, l’ICJP.

Même message repris par Jean Maurreau Tubibu, activiste des droits humains et responsable du groupe Jérémie.

« Tous ces gens qui ont participé dans les massacres en RDC doivent être poursuivis, entendus et punis. La vérité, la justice et la réparation, c’est ce qu’on appelle la vraie justice », a-t-il dit.

Il sied de rappeler que cette cérémonie de requiem s’est tenue dans le cadre de la commémoration du 63ème anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo.

Patrick MAKIRO